Honorables invités, chers collègues,
Il y a dix ans, le groupe d’experts a entamé une “longue marche”, non pas au sein des institutions, mais en dehors des institutions, vers la liberté.
M. Spidla, vous avez effectué les premiers pas dans cette direction.
Je vous en remercie.
Et je vous remercie tous ici aujourd’hui.
Membres du groupe d’experts européens.
Au cours des dix dernières années, vous avez été des défenseurs infatigables de cette importante cause.
Vous avez mis cette question sur la table.
Nous devons maintenant poursuivre la marche.
En Europe, des personnes vivent encore dans des institutions :
- Les personnes sans-abri,
- Les personnes en situation de handicap, ou
- Les personnes ayant des problèmes de santé mentale.
De plus, le chiffre de 345 000 enfants vivant en institution est très préoccupant, alors qu’il est bien connu que les institutions mettent les enfants en danger dans leur développement physique et mental.
L’usage de l’expression ” soins en institution ” est contradictoire.
Un soin en institution ne peut pas être meilleur que des soins de proximité, dans le cadre familial ou personnel.
Nous ne voulons pas de ” soins ” qui mettent les personnes à l’écart et les forcent à être dépendantes.
Nous voulons responsabiliser les gens et favoriser leur indépendance.
Je vais donner l’exemple d’une jeune femme – Caroline.
Grâce à l’aide de ses parents, elle vit maintenant seule.
Elle fait des ménages dans des maisons à mi-temps et se consacre à ce qu’elle aime vraiment l’après-midi : la natation.
Elle est heureuse et pleinement intégrée dans la société.
Rien de tout cela n’aurait été possible si elle avait été en institution.
Nous connaissons tous des histoires comme celle-ci.
Nous devons faire sortir les personnes des institutions et les intégrer dans la collectivité.
D’abord, parce que c’est la bonne chose à faire.
Les personnes en situation de handicap ont le droit de vivre de façon autonome.
Elles ont le droit d’aller dans les mêmes écoles, d’avoir les mêmes médecins que tout le monde.
- La résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les droits de l’enfant, adoptée l’an dernier, souligne le droit à la vie familiale des enfants en situation de handicap.
- L’Union Européenne et tous les États membres ont signé la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
Cette convention renforce le droit à une vie indépendante.
- Nous avons tous le devoir juridique et moral de respecter pleinement la Convention.
Ensuite, nous devons faire sortir les personnes des institutions parce que c’est la chose la plus sensée à faire.
Nous avons besoin que chacun contribue à la société et à l’économie.
Nous avons besoin du talent de chacun, pour que l’Europe prospère.
Nous devons agir ensemble pour que chaque citoyen puisse atteindre son plein potentiel.
Les handicaps ne connaissent pas de frontières.
Il ne peut y avoir d’européens de seconde classe.
Il y a beaucoup de choses que nous devons faire.
Nous ne pouvons concevoir des politiques efficaces que sur la base de faits.
Combien de personnes vivent dans des institutions ?
Il est d’ailleurs inquiétant qu’il n’y ait pas de statistiques européennes sur ce sujet.
Nous avons besoin de ces données.
Nous travaillons avec Eurostat pour obtenir ces statistiques.
Ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air.
Eurostat doit demander aux États membres de fournir les données.
Il en résulte une discussion complexe avec les entités statistiques nationales sur la méthode et la procédure.
Mais vous pouvez nous aider : dites aux États membres que nous avons besoin de ces données.
Dites-leur que c’est urgent.
Il ne s’agit pas seulement de chiffres, il est question de la vie des personnes.
Nous devons également continuer à sensibiliser les gens.
Vous avez fait du bon travail jusqu’à présent.
Mais trop souvent encore, les gens pensent que les institutions sont des lieux sûrs.
Les gens pensent – parfois avec les meilleures intentions – que les institutions protègent les enfants et les personnes en situation de handicap du monde extérieur.
Surtout les personnes ayant une déficience intellectuelle.
Mais les personnes aiment et ont le droit de vivre de façon indépendante et au sein de la collectivité – c’est là qu’elles s’épanouissent vraiment.
Il faut cependant se heurter à la réalité.
Nous ne pouvons pas sortir les personnes des institutions, si elles risquent de se retrouver à la rue.
Nous devons nous assurer qu’il existe une alternative.
Et dans de nombreux endroits, il y a encore beaucoup de travail à faire à cet égard.
Au cours des 10 dernières années, la Commission européenne a utilisé tous les moyens à sa disposition pour remplir son obligation consistant à garantir une vie indépendante.
Nous avons combattu la ségrégation et soutenu l’inclusion avec
- Notre recommandation de 2013 Investir dans l’enfance pour briser le cercle vicieux de l’inégalité
- Les conclusions du Conseil de 2017 sur le soutien et les soins de proximité pour permettre une vie autonome
La vie en autonomie est au cœur de la Stratégie européenne en faveur des personnes handicapées, qui est notre principal outil pour mettre en œuvre la Convention des Nations unies.
De même, elle est au cœur du Socle européen des droits sociaux, qui promeut l’inclusion, l’accessibilité et l’indépendance dans les domaines de l’éducation, du travail, du lieu de vie et des services minimum, ainsi que les soins intégrés et centrés sur la personne.
Notre directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée soutient les personnes qui s’occupent de proches en situation de handicap.
Nos fonds structurels et d’investissement européens sont une force motrice pour aider les personnes à sortir des institutions.
Par exemple, en soutenant les services de proximité.
Nous utilisons également le Semestre européen, notre cycle annuel de coordination des politiques économiques et sociales.
Récemment, nous avons donné à 15 États membres une recommandation spécifique par pays sur les soins de longue durée, y compris en faisant référence à la désinstitutionalisation.
Bien sûr, nous devons faire beaucoup plus.
La vie autonome consiste à créer une société inclusive.
Cela consiste aussi à prodiguer des soins de qualité.
La présidente von der Leyen défend l’égalité comme l’une des valeurs communes au cœur de l’Union européenne.
Je suis fière d’être la toute première commissaire européenne à l’égalité.
Je me battrai pour une Europe sans discrimination.
Je suis particulièrement préoccupée par les personnes confrontées à une double discrimination, et donc à deux fois plus de défis.
Par exemple, les femmes en situation de handicap, qui ont moins de chances de trouver un emploi et sont plus exposées au risque de pauvreté que les hommes, avec ou sans handicap.
L’égalité ne tient pas qu’à l’égalité de traitement, mais aussi à la dimension inclusive de la société.
Il s’agit aussi d’offrir de nouvelles opportunités.
Il y a tout juste deux jours, la Commission a adopté sa communication intitulée “Une Europe sociale forte pour des transitions justes”.
Cette communication définit clairement nos ambitions sociales, et elle est assortie d’un calendrier pour la mise en œuvre de notre plan d’action.
Je suis également heureuse de vous informer que cette communication annonce une nouvelle stratégie pour l’égalité des personnes handicapées pour 2021.
J’ai déjà mis en place un groupe de travail pour l’égalité, afin de garantir que l’égalité de traitement et l’inclusion seront prises en compte dans toutes les politiques de la Commission.
La vie autonome est une condition préalable à l’égalité de traitement et une pierre angulaire de notre programme en matière d’égalité.
Nous veillerons à ce que la vie autonome figure dans tous nos travaux actuels et futurs:
- Dans la stratégie renforcée en faveur des personnes handicapées, que nous construirons après l’évaluation de la présente stratégie.
- Dans notre plan d’action pour la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux.
- Dans les recommandations spécifiques par pays dressées aux Etats lors du Semestre européen, que nous mettons aussi étroitement en lien avec les Objectifs de développement durable.
Des objectifs tels que la lutte contre la pauvreté, l’éducation inclusive et la réduction des inégalités sont très pertinents pour une vie indépendante.
- Par le biais de nos fonds européens, où dans la prochaine période de programmation, nous veillerons à ce que chaque centime dépensé le soit en vue de permettre une vie autonome.
Nous lierons nos fonds aux recommandations que nous aurons faites au cours du Semestre européen.
En plus, via l’évaluation de conditions pertinentes, nous allons nous assurer :
- Que les fonds soient mis en œuvre de manière efficace et effective, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’UE et à la Convention des Nations unies ; et
- Que tous les États membres mettent en place un cadre stratégique national pour l’inclusion sociale et la réduction de la pauvreté, y compris celle des enfants, et que ce cadre prévoit un changement permettant le passage à une vie autonome.
Dans le même esprit, nous préparons une Garantie pour l’enfance afin de s’assurer que chaque enfant en Europe ait accès aux soins de santé et à l’éducation. Cette garantie couvre également les enfants vivant actuellement en institution.
Chers collègues,
Nous partageons une vision commune de la vie en autonomie.
Je sais qu’il ne sera pas facile de faire de cette vision une réalité.
La route est longue, et nous ne pouvons qu’avancer à pas mesurés.
Mais je suis très heureuse de travailler avec vous à la réalisation de ce noble objectif :
Une Europe où les gens vivent libres et indépendants, qu’importe le handicap.